Les interfaces cerveau-machine
Une interface cerveau-machine est un système de liaison directe entre un cerveau et un ordinateur. Elle permet aux patients souffrant de handicaps majeurs d’effectuer des tâches sans utiliser leurs muscles. Les défis technologiques à relever sont encore nombreux et cette technologie soulève des questions éthiques.
Pourquoi on en parle
Un patient atteint de la maladie de Charcot, une maladie neurodégénérative responsable d’une paralysie progressive des muscles, est parvenu à s’exprimer grâce à une interface cerveau-machine (ICM), selon une étude parue le 22 mars dans la revue Nature Communications. L’homme souffre du syndrome d’enfermement, un état neurologique dans lequel il entend tout et comprend tout, mais où il est incapable de parler ou d’ouvrir les yeux. Les scientifiques ont implanté des électrodes dans les zones du cerveau du patient consacrées au contrôle des mouvements. Ce dernier devait s’imaginer réaliser des mouvements oculaires, activant les zones cérébrales responsables du mouvement. Cette activité cérébrale a ensuite été traduite à l’aide d’un logiciel : par un « oui » lorsqu’il s’imaginait bouger les yeux et par un « non » lorsqu’il n’imaginait pas de mouvement. Un haut-parleur permettait au patient de savoir s’il avait bien sélectionné le oui ou le non conformément à son choix. Grâce au dispositif, il est parvenu à répondre aux questions qu’on lui posait et à sélectionner des lettres pour former des mots et des phrases.
En schéma

L’explication
Un concept ancien
Une ICM permet à l’utilisateur de contrôler un ordinateur par la pensée. Cette technologie a bénéficié d’avancées majeures au cours des dernières décennies. En 1969, le neuroscientifique américain Eberhard Fetz rapportait qu’un singe était capable d’amplifier son activité cérébrale après une méthode d’entraînement par punition et récompense (selon qu’on lui donne de la nourriture ou non). Il a pu commander ainsi le déplacement d’un curseur sur un écran. Les premiers essais chez l’être humain datent du milieu des années 1990. En 2003, la société de biotechnologie Cyberkinetics met au point BrainGate, un système d’implants neuronaux qui mesure l’activité des neurones impliqués dans les mouvements. Un an plus tard, un patient tétraplégique réussit à contrôler un bras robotisé, un curseur d’ordinateur, un éclairage et un téléviseur grâce à ce dispositif.
De nombreuses applications
De nos jours, les interfaces cerveau-machine suscitent de nombreux espoirs. Elles ont pour objectif principal de permettre à des personnes souffrant de handicaps majeurs de retrouver une autonomie. En 2019, un homme entièrement paralysé de 28 ans s’est déplacé grâce à un exosquelette (un squelette externe mécanique) contrôlé par la pensée, après deux ans d’entraînement. En 2021, un patient paralysé et incapable de parler a réussi à écrire par la pensée avec une précision de 94 %. L’ICM peut aussi avoir des applications en psychiatrie, par exemple dans les troubles de l’attention, les troubles obsessionnels compulsifs ou la dépression. Chez les patients atteints de ces pathologies, certaines ondes cérébrales sont différentes de la normale. Lorsqu’il est connecté à une ICM, l’utilisateur prend conscience de son activité cérébrale sous forme d’images, de sons ou de vibrations pour apprendre à la contrôler.
Des défis à surmonter
Les ICM ne sont pas encore disponibles sur le marché. La maîtrise de ces interfaces demande une forte capacité de concentration et prend du temps. Les patients ne sont pas tous capables de maîtriser les interfaces existantes, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), un organisme de recherche public français. Les défis technologiques à relever sont encore nombreux. Dans un rapport publié en 2020, l’Académie nationale de médecine, une société savante, explique que les ICM utilisant des implants cérébraux ne peuvent suivre que des centaines de neurones localisés dans une région précise du cerveau, tandis que le cerveau humain compte environ 100 milliards de neurones. La recherche suit plusieurs axes, comme une meilleure connaissance des réseaux neuronaux impliqués dans les processus recherchés, une détection plus précise de l’activité cérébrale grâce à des électrodes plus fines ou encore une amélioration dans l’analyse des données.
Des préoccupations éthiques
Cette technologie soulève de nombreuses questions éthiques. La confidentialité de l’activité neuronale récoltée est essentielle pour éviter un risque d’utilisation par un tiers à des fins malveillantes. L’égalité de traitement pour tous les malades est aussi une préoccupation, au vu du coût élevé de ces dispositifs. Les scientifiques doivent également s’assurer que ces interfaces n’influent pas sur le cerveau de manière indésirable. Les médecins doivent être sûrs que les patients visés par cette technologie, qui sont souvent incapables de communiquer, comprennent la procédure et prennent une décision éclairée, selon l’Académie nationale de médecine.
Pour aller plus loin
Une interview de l’émission Le Labo des Savoirs sur les applications des interfaces cerveau-machine, en partenariat avec Brief.science.
Une vidéo de Numerama sur Neuralink, le projet d’ICM du milliardaire Elon Musk.
Un article de The Conversation qui explique comment les paraplégiques peuvent remarcher.
Un article du média Korii sur le développement d’une ICM par l’armée américaine.