À la loupe
11 avril 2022

Le séquençage du génome humain

Le séquençage du génome humain consiste à lire l’ADN contenu dans les cellules d’un individu. Cette technologie est disponible depuis le début des années 2000. Elle a entraîné de nombreuses applications dans le domaine médical et a permis le développement d’une médecine dite « personnalisée ». L’utilisation de ces données génétiques soulève des questions éthiques.

Pourquoi on en parle

Un consortium de scientifiques américains a séquencé les 8 % du génome humain jusque-là non déchiffrés, selon un corpus de six articles parus dans la revue Science le 31 mars. Le séquençage du génome humain est ainsi quasi complet : seul le chromosome Y – masculin – reste à déchiffrer en totalité. Le séquençage consiste à déterminer l’ordre des molécules qui constituent l’ADN, appelées « bases », à l’aide d’un séquenceur, une machine spécifique. Au total, plus de trois milliards de paires de bases ont été séquencées à partir de cellules humaines. Le premier séquençage du génome humain avait été publié en 2001 dans le cadre du Projet génome humain, un projet international lancé fin 1988 aux États-Unis. Cette prouesse technologique avait coûté près de 3 milliards de dollars et nécessité plus de dix ans de recherches. D’autres éditions plus précises ont depuis été publiées, mais des limites technologiques empêchaient encore le décryptage de certaines régions du génome. Les auteurs s’attendent à ce que cette cartographie complète du génome humain conduise à de futures découvertes dans le domaine de la santé.

En schéma

L’explication

Une révolution technologique

La découverte de la structure de l’ADN et de son rôle dans la transmission des caractères héréditaires par des chercheurs américains et britanniques date de 1953. Quelques années plus tard, la pédiatre française Marthe Gautier découvre la première anomalie génétique : la présence de trois chromosomes au lieu de deux sur la 21e paire de chromosomes des personnes atteintes de la maladie désormais connue sous le nom de trisomie 21. C’est la première découverte d’une correspondance entre anomalies génétiques et pathologies. Dans les années 1970, deux méthodes de séquençage de l’ADN sont mises au point. L’une d’elles est progressivement automatisée jusqu’à l’apparition du séquençage à haut débit qui consiste à « lire » des milliers de fragments d’ADN en parallèle plutôt qu’un par un. La première séquence d’ADN d’un être vivant – une bactérie – est réalisée en 1995 par l’institut de Craig Venter, aux États-Unis. Depuis, l’ADN de nombreuses espèces vivantes a été séquencé, allant de la mouche au chien.

Des applications très variées

Au-delà des connaissances fondamentales sur le corps humain, le séquençage de l’ADN a fait avancer de nombreuses disciplines. En médecine, il a permis le diagnostic et le traitement de maladies humaines (cancers, maladies héréditaires, etc.) ainsi que l’identification de prédispositions génétiques à certaines maladies, comme le diabète. Le séquençage est également utilisé en anthropologie pour analyser l’ADN ancien retrouvé sur des restes animaux ou humains, en agronomie pour étudier les plantes cultivées et améliorer leur système immunitaire ou encore en criminologie pour identifier de l’ADN inconnu retrouvé sur une scène de crime en le comparant à celui de suspects. Il est de plus en plus utilisé pour effectuer des inventaires de biodiversité en identifiant des espèces à partir de l’ADN qu’elles laissent dans leur environnement (excréments, urine, tissus perdus par blessure, etc.).

Une médecine personnalisée

Le séquençage du génome humain a permis l’émergence d’une médecine personnalisée, qui analyse l’information génomique des individus pour effectuer des diagnostics et établir des traitements sur mesure. La médecine génomique personnalisée consiste à séquencer puis comparer l’ADN d’une personne malade avec celui d’un génome sain. Elle est principalement utilisée pour diagnostiquer les maladies rares et traiter les cancers de patients résistants aux traitements standards. Les variations identifiées peuvent être ciblées par de nouveaux traitements dits « géniques », qui consistent à introduire des gènes (bouts d’ADN) dans les cellules pour inhiber le fonctionnement de gènes défectueux par exemple liés à la prolifération de cellules tumorales. Cette médecine de précision présente des limites. La plupart des maladies étant multifactorielles, elle nécessite de bien connaître la fonction de chaque gène impliqué ainsi que l’influence de l’environnement sur la maladie.

Prédire ou préjuger ?

En France, le Code civil précise qu’il est illégal pour un particulier de demander son séquençage génomique, sauf à des fins médicales, pour un test de paternité ou pour la recherche scientifique. Les tests ADN sont néanmoins autorisés dans de nombreux pays tels que les États-Unis, l’Allemagne ou l’Italie. Pour éviter l’exploitation des données génétiques d’un individu à son insu, les bases de données du génome doivent être stockées de manière sûre et être anonymisées. L’usage de ces résultats pourrait donner lieu à des discriminations : un employeur possédant les informations génétiques d’une personne susceptible de développer des maladies pourrait refuser de l’embaucher. Une assurance pourrait augmenter son prix ou refuser de prendre en charge un patient selon ses prédispositions. Les gènes se transmettant de génération en génération, les résultats d’un test génétique pour un individu donnent également des informations sur les membres de sa famille, ce qui soulève la question de leur révéler ou non les résultats.

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