Les PFAS, des polluants éternels présents partout
Les PFAS forment une classe de produits chimiques largement utilisés dans de nombreux produits. Ils suscitent des préoccupations en raison de leur persistance dans l’environnement et de leur impact potentiel sur la santé humaine. Des réglementations et des recherches sont en cours pour minimiser leur utilisation et trouver des solutions de remplacement.
Pourquoi on en parle
Environ 5 000 sites industriels français vont devoir analyser leurs rejets dans les eaux usées de 20 substances PFAS, des produits chimiques synthétiques qualifiés de « polluants éternels » en raison de leur persistance dans l’environnement, a annoncé mardi 27 juin le ministère de la Transition écologique. Dans l’UE, une réglementation concernant le rejet des PFAS pour l’eau potable a été adoptée, mais n’est pas encore entrée en application et aucun texte ne réglemente les eaux usées. La campagne d’analyse cible les secteurs industriels les plus susceptibles de rejeter ces substances, tels que la fabrication de produits chimiques, le traitement textile, la papeterie et les stations d’épuration. Mercredi 28 juin, 14 députés écologiques ont dévoilé lors d’une conférence de presse les résultats d’un dépistage révélant la présence de huit PFAS dans leurs cheveux, sur 12 PFAS recherchés. Parmi ces substances, certaines sont interdites en France, comme le PFOA, longtemps utilisé dans la fabrication du Teflon, un matériau antiadhésif et imperméabilisant.
En schéma

L’explication
Des polluants retrouvés partout
Les substances PFAS forment une large famille de plus de 5 000 composés synthétiques ayant la particularité de se décomposer très lentement dans l’environnement. Elles sont utilisées depuis les années 1940 pour leurs propriétés « exceptionnelles », dont la résistance à l’huile et à l’eau ainsi qu’aux fortes chaleurs, raconte à Brief.science Sébastien Sauvé, chercheur en chimie environnementale à l’université de Montréal. De nombreux produits de notre quotidien contiennent des PFAS : les revêtements antiadhésifs des poêles, les assiettes en carton imperméabilisées, les fonds de teint résistant à l’eau ou encore les textiles anti-taches pour les meubles. La fabrication, l’utilisation et le traitement en fin de vie (gestion des déchets) de ces objets ont mené à la dispersion de PFAS dans le monde entier, que ce soit dans l’air, le sol ou l’eau, explique-t-il. Les PFAS se retrouvent ainsi tout au long de la chaîne alimentaire de toutes les espèces, jusqu’aux êtres humains, principalement via l’eau et l’alimentation. Une équipe de recherche en a même retrouvé chez les ours polaires et les phoques, en région Arctique.
Des effets avérés sur la santé
En 2022, l’Académie nationale des sciences des États-Unis, un organisme public, a publié un rapport évaluant l’impact des PFAS sur la santé humaine, à partir de l’ensemble des études déjà réalisées sur le sujet [voir le résumé en PDF en anglais]. Ce sont toutes des études épidémiologiques, nous explique Marc-André Verner, chercheur en santé-environnement, qui a participé au comité ayant rédigé ce rapport. Elles consistent à suivre un groupe de personnes dans le temps et à évaluer les associations entre leur niveau d’exposition aux PFAS et leurs problèmes de santé. Le rapport établit quatre effets avérés qui augmentent avec une exposition aux PFAS : un impact sur le système immunitaire avec une moins bonne efficacité des vaccins chez les enfants et les adultes, une élévation du cholestérol dans le sang, une réduction du poids des bébés à la naissance si les mères sont exposées, ainsi qu’un risque accru de cancer du rein chez les adultes. Les autres effets rapportés dans les études, comme l’augmentation des cancers du sein ou des dysfonctionnements du foie, présentent « un niveau de confiance modéré », insuffisant pour établir un lien avéré avec les PFAS, selon le rapport.
Limiter l’exposition
« Il n’existe aujourd’hui pas de moyen simple de limiter son exposition à ces composés, car ils sont présents partout et très difficiles à éliminer », précise Marc-André Verner. Quelques PFAS sont désormais interdits, comme les PFOA, via la convention de Stockholm, un accord international sur les polluants persistants. Les industriels les remplacent par d’autres molécules présentant des caractéristiques similaires, dont la toxicité est méconnue. Pour éviter l’exposition de la population, certains pays mettent en place un seuil réglementaire de PFAS à ne pas dépasser dans les eaux potables et les aliments, expliquent les deux chercheurs. Dans l’UE, une directive prévoit de limiter d’ici 2026 la teneur totale en PFAS dans les eaux potables à un maximum de 0,50 microgramme par litre [PDF]. « Il faudrait également se passer des PFAS pour des usages non essentiels, comme dans les objets jetables en carton ou dans les cosmétiques résistant à l’eau tels que le mascara », souligne Sébastien Sauvé. Les industriels peuvent opter pour des solutions moins polluantes lorsqu’elles existent, comme utiliser de la cire d’abeille comme imperméabilisant.
Quelles sont les principales sources de contamination ?
L’environnement est principalement contaminé par les rejets d’eaux usées des usines qui fabriquent ou utilisent des PFAS, car ces substances résistent aux traitements des stations d’épuration. Viennent ensuite les sites d’enfouissement et d’incinération des déchets. La seule méthode de destruction fiable des PFAS présents dans nos déchets consiste en un traitement thermique d’au moins 1 000 °C. Cette température est difficile à atteindre pour les incinérateurs d’ordures ménagères, selon un rapport paru en avril de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable, un service du ministère de l’Environnement. Les sites militaires et les aéroports emploient des mousses extinctrices contenant des PFAS lors d’exercices pour éteindre des incendies, rejetant ces molécules dans l’environnement, explique Sébastien Sauvé. L’usure des objets enduits de PFAS (ustensiles de cuisine, vêtements, produits cosmétiques, etc.) amène également un rejet de ces polluants dans les eaux usées domestiques.
Pour aller plus loin
Une enquête de plusieurs médias dont Le Monde sur la contamination aux PFAS.